MÉMOIRE DE COM DEV

1. Sommaire

L’objet du présent mémoire est de proposer une approche provisoire différente de la mise en œuvre du programme spatial du Canada, tenant compte des avantages technologiques uniques du pays, du créneau de pointe qu’il occupe sur les marchés internationaux et surtout des difficultés financières que le gouvernement doit affronter à court et à moyen terme. Le mémoire présente d’abord aux membres du Comité un aperçu de COM DEV, puis décrit brièvement les réalisations du Canada dans le domaine spatial, examine la situation actuelle du Programme spatial canadien et formule des recommandations pratiques destinées à protéger le succès remarquable des efforts déployés pour permettre aux investissements d’amorçage de l’Agence spatiale canadienne (ASC) de créer un marché d’exportation d’une valeur annuelle totalisant dix fois le budget de l’ASC. Pour maintenir ce succès d’exportation, au moins pendant la période où le budget de l’ASC est sérieusement limité par la compression de l’ensemble des dépenses gouvernementales, il est nécessaire de mettre l’accent sur un plus grand nombre de « petits projets» peu coûteux plutôt que sur des grands projets spatiaux. Nous recommandons en outre d’envisager sérieusement de financer d’importants projets sans toucher au budget de l’ASC en recourant au modèle des partenariats publics-privés (PPP). Nous donnons aussi quelques exemples de petits projets spatiaux que le Canada pourrait réaliser.

COM DEV.

COM DEV se classe deuxième parmi les plus grandes sociétés canadiennes de matériel spatial. Elle a un personnel de plus d’un millier d’employés à Cambridge et Ottawa, en Ontario. COM DEV est un chef de file mondial dans la conception et la fabrication de systèmes radio et optiques pour les satellites et d’autres plateformes. La société constitue la principale source canadienne d’instruments et de technologies pour la surveillance mondiale des conditions météorologiques et climatiques et de la sécurité maritime. Nous construisons les répondeurs et les radiobalises de recherche et de sauvetage qui assurent la protection par satellite des voyageurs dans le monde et qui permettent aux Canadiens de communiquer entre eux et avec le reste de la planète. Notre matériel sert aussi à la radiodiffusion par satellite, qui touche toutes les collectivités du Canada. Nous construisons en outre une vaste gamme d’autres appareils de communications par satellite qui sont utilisés par nos réseaux téléphoniques, la télévision par câble, Internet, les services téléphoniques mobiles, les journaux et les systèmes de contrôle de la circulation aérienne, et qui facilitent la plupart des transactions économiques et des opérations militaires au Canada. Depuis plus de 30 ans, COM DEV fait jouer l’effet multiplicateur des investissements du gouvernement canadien pour engendrer des ventes d’exportation quatre fois plus importantes à tout un éventail de clients internationaux.

2. Aperçu du Programme spatial canadien

a)      Le Canada compte parmi les pionniers mondiaux de l’espace, ayant été le troisième à avoir une présence spatiale, après l’Union soviétique et les États-Unis. Au départ, les investissements faits dans les satellites civils et commerciaux de communications se fondaient sur une audacieuse vision du gouvernement, qui souhaitait rapprocher les Canadiens les uns des autres en établissant des moyens de communications reliant tous les points d’un vaste pays à la population clairsemée. En assurant à tous les Canadiens, où qu’ils vivent, un accès relativement égal aux services de communications, les satellites sont devenus des moteurs de croissance pour l’économie canadienne. Aujourd’hui, ces liaisons extraterrestres sont, dans l’ensemble, tenues pour acquises. Elles sont pourtant utilisées dans presque tous les aspects de la vie moderne au Canada, de l’impression du journal du matin au paiement des achats d’essence et aux rouages internes de notre système financier. L’espace est aujourd’hui tellement intégré à la vie économique du pays qu’on oublie souvent sa contribution fondamentale à l’infrastructure nationale. On estime que les ressources spatiales influent sur la vie de chaque Canadien entre 20 et 30 fois par jour.

b)    De par leur nature, les activités spatiales impliquent d’importants investissements, des technologies aussi complexes à développer qu’à mettre en œuvre, de longs délais d’exécution et de longs intervalles dans l’obtention de contrats successifs. De ce fait, c’est toujours un défi pour les sociétés canadiennes de maintenir la masse critique de connaissances et de capacités dont elles ont besoin pour rester compétitives à l’échelle internationale sans investissements gouvernementaux réguliers. Dans la plupart des pays, les gouvernements donnent la priorité au développement de l’industrie spatiale intérieure, considérée comme secteur stratégique national, en investissant dans des contrats de recherche et de développement qui contribuent au financement des grands projets spatiaux nécessaires pour répondre aux besoins nationaux tant civils que militaires. Ce faisant, ils renforcent leur industrie spatiale nationale et contribuent sensiblement au développement de son avantage concurrentiel sur le marché international civil et commercial. Comme les dépenses militaires, les dépenses spatiales ne sont pas soumises à la réglementation de l’OMC ni aux règles de l’ALENA, et les investissements nationaux dans l’espace sont surtout axés sur la satisfaction de besoins nationaux. Le secteur spatial canadien s’est développé selon un modèle semblable, mais avec des investissements gouvernementaux considérablement moindres. Par exemple, les dépenses spatiales du gouvernement américain sont 117 fois plus élevées, par habitant, que celle du Canada, tandis que les dépenses du gouvernement japonais sont cinq fois supérieures.

c)    Dans le monde, les activités spatiales sont dominées par les gouvernements, et surtout par ceux qui font de grands investissements à des fins de défense, afin d’établir des systèmes spatiaux pouvant assurer des communications sûres, une grande conscience du domaine spatial et une surveillance mondiale. Dans l’ensemble, les programmes gouvernementaux représentent 80 p. 100 des dépenses spatiales, et les grandes nations du G8 se livrent une concurrence acharnée pour vendre une vaste gamme de capacités spatiales civiles et militaires. Pour la plupart des pays, l’espace constitue le summum des réalisations de la haute technologie. C’est pour cette raison que la plupart des pays industrialisés et beaucoup d’économies émergentes dépensent sans compter pour développer leur capacité de lancer et d’exploiter des dispositifs spatiaux, dans le cadre d’un objectif stratégique national lié à la défense, à la sécurité, à la croissance économique, aux besoins d’infrastructure de base et à l’image de marque.

d)    Le Canada n’a jamais cru qu’il pouvait devenir une puissance spatiale de premier ordre à un prix abordable. Sur le plan de ses investissements dans l’espace, il a toujours été un intervenant de catégorie intermédiaire. Toutefois, en adoptant une stratégie ciblée de créneau technologique, dans le cadre de laquelle il a consciemment évité les chevauchements de capacités techniques dans les différentes sociétés, le Canada est devenu un chef de file capable aussi bien de satisfaire ses propres besoins nationaux que d’engendrer d’importantes recettes d’exportation, tout en projetant l’image d’un pays à la pointe de la technologie. Les sociétés canadiennes se classent premières au monde dans de nombreuses technologies spatiales importantes conçues en premier lieu pour répondre à des besoins canadiens, notamment en matière de télécommunications avancées, de télédétection et d’observation de la Terre, de robotique, de détection atmosphérique, d’optique spatiale et de sciences spatiales. Les réalisations du Canada témoignent en fait d’un immense succès en dépit d’un budget spatial modeste en fonction des normes internationales. Les entreprises spatiales canadiennes concurrencent avec succès quelques-unes des plus grandes sociétés aérospatiales du monde et constituent souvent des fournisseurs essentiels. COM DEV est le parfait exemple de ce succès, ses exportations représentant régulièrement plus de 80 p. 100 de ses recettes annuelles. Aucun autre pays n’a aussi bien réussi que le Canada au chapitre des exportations spatiales. En 2010, le revenu de l’industrie spatiale canadienne s’est élevé à 3,5 milliards de dollars, soit plus de dix fois le budget de base de l’ASC. Par comparaison, les exportations de produits et services spatiaux des États-Unis, qui se classent deuxièmes à cet égard, n’ont totalisé que 60 p. 100 de leur budget spatial annuel.

3. La situation actuelle du Programme spatial canadien

a)    Malgré les investissements modestes du gouvernement dans le Programme spatial canadien, les sociétés canadiennes telles que Télésat et MDA (sans compter quelque 200 autres fournisseurs d’un océan à l’autre) ont enregistré de grands succès sur les marchés d’exportation. Ainsi, de nombreux produits spatiaux de COM DEV ont accaparé des parts du marché mondial pouvant atteindre 50 p. 100. Les systèmes électroniques et optiques de la société se trouvent à bord de plus de 800 satellites et autres engins spatiaux lancés jusqu’ici, ce qui constitue un record mondial.

b)    Depuis que le Canada est devenu le troisième pays à accéder à l’espace, une collaboration constante gouvernement-industrie-universités a été au centre de notre succès économique dans l’espace. En fait, notre succès n’aurait pas été possible sans cet étroit partenariat informel public-privé qu’on a parfois désigné sous le nom d’« Équipe spatiale Canada ». Collectivement, les membres de l’équipe se sont efforcés d’éviter tout chevauchement des capacités sur le marché canadien et ont collaboré entre eux pour l’emporter sur la concurrence qu’ils considéraient comme internationale plutôt qu’intérieure.

c)    L’industrie spatiale canadienne devrait être bien positionnée pour continuer à développer ses exportations. Elle a une excellente technologie pouvant soutenir la concurrence internationale, des partenariats exceptionnels avec la NASA, l’Agence spatiale européenne et la NASDA japonaise ainsi que des relations étroites avec des entrepreneurs principaux du monde entier, surtout à cause des occasions de partenariat suscitées par le travail en commun sur des projets spatiaux internationaux et de l’excellente réputation qu’elle a acquise en respectant les exigences techniques les plus rigoureuses. Toutefois, au Canada même, une crise est imminente. La disparition de la plus grande part du financement d’amorçage risque de compromettre sérieusement les grands succès réalisés. Le budget de l’ASC n’ayant pas augmenté depuis 10 ans, l’inflation a gravement affaibli la capacité de fonctionner de l’Agence. À l’heure actuelle, elle ne dispose presque plus de fonds pour investir dans des technologies nouvelles ou émergentes ou pour tirer parti de nouvelles occasions internationales de partenariat. Le budget discrétionnaire dont elle dispose est presque entièrement engagé à court terme dans un seul grand projet (la constellation Radarsat). Il y a peu de chances que la situation s’améliore sous peu à moins que l’Agence ne reçoive des fonds supplémentaires ou qu’il n’y ait un changement radical dans son organisation et la répartition de son budget.

d)    L’industrie souhaite également que l’ASC ait un plan à long terme. À défaut d’un tel plan, l’industrie spatiale canadienne ne dispose d’aucune base pour prévoir l’évolution de sa technologie en fonction des besoins nationaux et, à plus forte raison, pour améliorer son rendement sur les marchés d’exportation. Les projets spatiaux ont ordinairement une période d’exécution de deux à cinq ans faisant suite à une période aussi longue consacrée à l’analyse des besoins, à la définition des concepts et du projet ainsi qu’à la définition et au développement de la technologie. Compte tenu de ce modèle, tous les projets nécessitent un horizon de planification étendu et des communications transparentes entre le gouvernement, les universités et l’industrie pour maximiser le rendement de leur personnel hautement spécialisé et de leurs installations de recherche et de fabrication. Comme la compétitivité internationale de l’industrie spatiale canadienne dépend d’une manière critique d’une étroite coordination de ses activités avec celles des universités canadiennes et de l’ASC, afin de répondre tant aux besoins canadiens qu’aux exigences changeantes des marchés d’exportation, l’industrie et, dans une moindre mesure, les universités courent sérieusement le risque de perdre une importante masse critique si l’ASC, troisième élément de l’« Équipe spatiale Canada », s’affaiblit très sensiblement ou disparaît. Une fois perdue, cette masse critique serait difficile sinon impossible à retrouver parce que d’autres pays s’empresseront de remplir le vide avec leurs propres technologies de remplacement. En particulier, de nombreux pays en développement ont d’ambitieux programmes spatiaux bien financés, qui constituent une menace immédiate. Les organismes spatiaux nationaux de l’Inde et de la Chine agiront probablement très vite pour occuper tout vide laissé par le Canada. Ils ne sont pas d’ailleurs les seuls. D’autres pays, comme le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, la Corée, la Norvège et l’Espagne constituent aussi de sérieuses menaces. Conscients de l’occasion unique de créer de nouveaux emplois durables, à long terme et de grande valeur, leurs gouvernements ont considérablement accru les investissements destinés à faire progresser leurs technologies spatiales de base, même en présence de conditions financières très difficiles qui leur imposent de faire d’importantes réductions ailleurs dans leur budget.

4. Pour faire avancer le programme spatial canadien

Qu’est-il possible de faire pour revitaliser le Programme spatial canadien sans perdre de vue le fait que le gouvernement doit réduire ses dépenses pour rééquilibrer son budget? L’historique des activités spatiales du Canada peut se résumer essentiellement à une série de grands investissements spatiaux : grands satellites de télécommunications, satellites-radar et projets de robotique pour la navette spatiale et la station spatiale internationale. Ces grands projets ont tous coûté des centaines de millions de dollars et, dans certains cas, quelques milliards. Aujourd’hui, notre capacité d’investir étant limitée par les réalités économiques, nous croyons qu’il est temps d’envisager une orientation différente. Nous proposons – du moins pour le court terme – que le gouvernement adopte une stratégie fondée sur de petits projets spatiaux et recoure aux partenariats publics-privés (PPP) plutôt que de financer les grands projets nécessaires à l’infrastructure spatiale nationale. En libérant ainsi des fonds pour de petits projets, l’ASC pourrait garder son rôle dans la stratégie d’exportation de créneau fondée sur l’« Équipe spatiale Canada » et ce, dans toute la gamme des technologies spatiales où le Canada est le plus fort. L’Agence pourrait ainsi créer de nouvelles occasions en se montrant disposé à participer à de nouveaux projets spatiaux internationaux conjoints. Cette période de compressions budgétaires mondiales pourrait donc en fait présenter de nouvelles perspectives d’expansion de la participation canadienne à de grands projets internationaux. Des organismes tels que la NASA et l’Agence spatiale européenne font une promotion active de la coopération internationale parce qu’ils ont, eux aussi, des difficultés à financer leurs grands projets spatiaux.

a)    Recentrer l’activité de l’Agence spatiale canadienne : À notre avis, la façon dont l’ASC fonctionne et procure des capacités spatiales au gouvernement du Canada doit être reconsidérée et recentrée sur le renforcement de l’« Équipe spatiale Canada », comme stratégie d’exportation mondiale encore plus étendue. Nous croyons que l’Agence devrait concentrer davantage ses efforts sur le développement des connaissances et des technologies nécessaires aux projets spatiaux futurs et limiter sa participation aux projets intérieurs à la définition des exigences de rendement des solutions à retenir pour répondre aux besoins canadiens. Bref, l’ASC devrait s’occuper moins de son rôle d’organisme d’approvisionnement du gouvernement, surtout dans le cas des projets utilisant des technologies ayant déjà fait leurs preuves. Nous donnons plus de détails à ce sujet dans nos observations sur les PPP au paragraphe 4c ci-dessous. Lorsque le gouvernement a besoin de solutions faisant appel à des technologies éprouvées, nous croyons qu’il serait beaucoup moins coûteux pour l’ASC, sur le double plan des ressources financières et humaines, de définir les services requis et de laisser l’industrie déterminer comment les offrir de la façon la plus efficace et la plus économique. Un tel changement aurait également l’avantage de mettre en jeu d’une manière plus immédiate, dans l’industrie canadienne, des éléments commercialisables de propriété intellectuelle et de compétences et d’augmenter ainsi la probabilité de les transformer en nouvelles exportations de matériel et de services spatiaux. En même temps, nous croyons qu’il conviendrait d’encourager l’ASC à étendre son rôle essentiel et très efficace d’incubation d’entreprises spatiales canadiennes, tant nouvelles qu’établies, en finançant les premières étapes du développement des nouvelles technologies et applications spatiales nécessaires aux marchés d’exportation futurs. Nous recommandons en outre que l’ASC consacre encore plus d’efforts au renforcement de ses relations avec d’autres agences spatiales, et particulièrement avec la NASA et l’Agence spatiale européenne. Il faudrait encourager l’ASC à rechercher d’une manière proactive des rôles de leadership spécialisé dans des projets spatiaux internationaux. En effet, ces rôles ont énormément contribué aux relations étroites que les sociétés canadiennes ont pu établir avec des entrepreneurs principaux européens et américains et qu’elles ont pu maintenir pendant des décennies après la fin des programmes réalisés. Enfin, nous croyons que l’ASC a encore un rôle vital à jouer dans la répartition des contrats et du travail entre les membres de l’industrie et les universités pour veiller à ce qu’aucune organisation ne profite ou ne perde trop par suite du manque inhérent de profondeur (manque de concurrence) dans l’industrie spatiale canadienne. (C’est ce manque de profondeur qui lui a permis d’avoir une bien plus grande portée et, partant, une des plus grandes capacités de répondre à la plupart des besoins spatiaux nationaux du Canada.)

b)    Des petits projets spatiaux canadiens (à petit budget). Les progrès de la technologie permettent aujourd’hui d’offrir des solutions satellitaires perfectionnées basées sur des plateformes beaucoup plus petites qu’on ne l’aurait cru possible il y a seulement cinq ans. Pour certaines applications, de petites plateformes satellitaires de 10 à 150 kg permettent de réaliser des missions complètes à un prix inférieur de plusieurs ordres de grandeur à celui d’un grand satellite (environ 10 p. 100 du prix des grands projets spatiaux antérieurs). Le coût des grands satellites radar et de communications vont de quelques millions à plus d’un milliard de dollars. Les trois satellites RCM actuellement en construction coûteront probablement plus d’un milliard de dollars. Dans l’environnement actuel, il est peu vraisemblable qu’un autre projet de cette importance puisse être envisagé avant que le Canada ne réussisse à avoir des excédents budgétaires. Entre-temps, l’ASC devrait penser à réaliser davantage de programmes basés sur de petits satellites pouvant offrir des applications d’une importance critique, dont certaines pourraient être révolutionnaires par leur portée et leur conception. Nous pouvons citer en exemple le système AIS de microsatellites d’identification automatique des navires que réalisent actuellement COM DEV et sa filiale exactEarth. Grâce à quatre microsatellites actuellement en orbite et à quatre autres qui doivent être lancés dans les deux prochaines années, la constellation exactEarth fournira des renseignements en temps quasi réel sur la position des navires à des clients du monde entier. Sur les deux côtes du Canada, les données AIS des satellites exactEarth sont directement transmises aux centres d’opérations de la Défense nationale. Le plus gros du financement de cette initiative provenait d’investisseurs privés canadiens et étrangers, y compris COM DEV. Le coût de toute la constellation exactEarth, incluant le développement, les huit satellites, les stations terriennes de réception et de contrôle ainsi que les centres de traitement informatique et de stockage des données, sera inférieur à 100 millions de dollars. Avec des investissements d’amorçage modestes mais essentiels de l’ASC et du MDN, à titre de premiers utilisateurs opérationnels, exactEarth est en train de faire la preuve des avantages de la stratégie des petits projets spatiaux. Voici quelques autres exemples d’applications spatiales novatrices qu’il serait possible de réaliser à l’aide de microsatellites (la liste n’est pas exhaustive) : surveillance et gestion des ressources en eau douce, détection et surveillance des émissions de gaz à effet de serre, collecte des données d’un grand nombre de détecteurs terriens peu coûteux utilisés pour effectuer différentes mesures (des vibrations sismiques au stress hydrique des terres agricoles et des forêts), localisation et cartographie des émetteurs radio du Canada ou du monde, transmission des changements de code aux systèmes sécurisés de communications à large bande grâce à l’utilisation des phénomènes d’intrication quantique pour assurer une sécurisation complète des systèmes.

La stratégie des petits projets spatiaux peut être étendue à des initiatives d’exploration. Malgré leur succès, il semble peu probable que nous pourrons répéter notre investissement de milliards de dollars dans les technologies robotiques destinées à la navette spatiale et à la station spatiale internationale. Au lieu d’envisager un autre énorme investissement d’exploration, l’ASC devrait penser à des projets moins coûteux, mais tout aussi intéressants, d’exploration sur petite échelle. Nous pouvons citer en exemple les systèmes canadiens avancés de survie (CanALSS) qui font actuellement l’objet de recherches à COM DEV et à la faculté des sciences environnementales de l’Université de Guelph, en vue de faire du Canada le « centre d’excellence » mondial de la production alimentaire en environnement contrôlé pour les voyages internationaux de plusieurs années à destination d’astéroïdes et de Mars. Le projet vise à développer des technologies de production automatique d’aliments qui permettraient aux astronautes de manger des légumes frais tout en renouvelant l’air et en recyclant l’eau à bord de leur véhicule spatial. L’industrie canadienne construirait et homologuerait l’équipement nécessaire au fonctionnement et à la survie dans l’espace des nouveaux systèmes. Il importe de signaler que ce projet aurait des retombées terrestres immédiates pour le Canada grâce au déploiement de nouveaux équipements et technologies connexes destinés à l’industrie canadienne des cultures en serre, notamment pour lui permettre d’étendre ses activités à la création d’exploitations agricoles urbaines dans les tours d’habitation des grandes villes et à l’établissement de petites installations de culture automatique qui assureraient la sécurité alimentaire des collectivités isolées de l’Arctique. Ces applications pourraient être réalisées bien avant que la technologie ne soit déployée dans l’espace dans une quinzaine d’années. Le prix total du développement des CanALSS est estimé à environ 10 millions de dollars par an, ce qui est encore une fois inférieur d’un ordre de grandeur aux quelque 100 millions de dollars attribués tous les ans aux applications robotiques destinées à la navette et à la station spatiale internationale.

c)    Partenariats publics-privés (PPP). Les PPP peuvent être définis de bien des façons. Aux fins du présent mémoire, un partenariat public-privé serait une forme de bail location-achat dans laquelle le gouvernement réduit sa contribution immédiate au capital en échelonnant ses paiements sur la durée de vie prévue du projet spatial, dans le cadre d’un contrat le liant à une société canadienne chargée de fournir des services spatiaux déterminés pendant la durée de vie prévue du satellite. Cette forme de PPP a été utilisée en premier au Royaume-Uni pour offrir différents services, allant des routes et des hôpitaux aux constellations de satellites de communications pour la défense. Cette formule présente un grand avantage supplémentaire pour le gouvernement parce que c’est l’entrepreneur qui assume la totalité du risque technique qui cause ordinairement les dépassements de coûts dans la plupart des projets spatiaux du gouvernement. Bien que cette approche de financement des projets spatiaux ne convienne pas toujours, l’industrie canadienne pourrait l’envisager dans le cas des projets fondés sur des technologies éprouvées, comme les satellites météorologiques et de communications, et là où existent des marchés commerciaux adjacents, au Canada ou ailleurs, offrant à l’entrepreneur d’autres débouchés possibles. Nous croyons que, si elle marche, l’approche PPP conviendrait bien à l’esprit canadien d’entreprenariat que nous avons évoqué en parlant de l’Équipe spatiale Canada et qui a permis à notre industrie spatiale de réussir à profiter des projets spatiaux réalisés au Canada pour susciter des ventes d’exportation valant plusieurs fois son chiffre d’affaires intérieur. Pour qu’une telle formule PPP soit possible au Canada, des modifications législatives seraient nécessaires pour autoriser des contrats de services « location-achat » ayant une durée de 10 à 15 ans correspondant à la durée de vie des satellites d’aujourd’hui. Il faudrait en outre que des organismes tels que l’ASC cessent de s’occuper des activités à forte intensité de main-d’œuvre consistant à définir le nouveau matériel d’une façon extrêmement détaillée pour concentrer plutôt leurs efforts sur la définition des services requis. La détermination des moyens de fournir les services ainsi définis serait donc entièrement laissée à l’entrepreneur pour qu’il puisse l’adapter à son besoin de minimiser les risques et les coûts. D’autres sujets qui préoccupent ordinairement le gouvernement, comme les calendriers d’exécution et le contenu canadien, pourraient faire l’objet de négociations avec l’entrepreneur choisi.

Conclusion

Un nouveau Programme spatial canadien axé à court terme sur de petits projets spatiaux et une nouvelle approche d’achat pourraient avoir des avantages réels et créer des occasions concrètes pour un nombre beaucoup plus grand d’intervenants de l’industrie spatiale et des universités. Une telle approche serait plus abordable et plus prudente dans les circonstances actuelles. Nous serions heureux d’avoir un dialogue ouvert avec toutes les parties intéressées sur la façon dont l’industrie canadienne peut collaborer avec le gouvernement pour mieux définir ce concept aussi innovateur qu’économique.